Guédé : Boukman Eksperyans et RAM perpétuent la tradition à Paris

 

Prestation Boukman Eksperyans


À l'occasion de la traditionnelle fête des Guédés, les deux icônes de notre musique Rasin, Boukman Eksperyans et RAM, ont offert un spectacle inédit à Paris, imprégné de spiritualité et de ferveur.


Jeudi 31 octobre. Paris plonge dans les festivités de la Toussaint. Les décorations d'Halloween illuminent les rues. La nuit est froide, mais l’ambiance au Palace de Villiers est incandescante. Le lieu, décoré de mauve et de noir, couleurs emblématiques des Guédés, accueille des spectateurs parés des mêmes teintes. Certains, en hommage, arborent le chapeau noir et la canne symboliques. Dès le début de la soirée, des DJs infusent l’atmosphère de sons de rara et de racine afin de chauffer le public.


1h20. Boukman Eksperyans fait son entrée. L’émotion est palpable. Les micros sont ornés de foulards jaune, vert et rouge. Dès les premières notes de «Ganga», Lòlò et Manzè, véritables piliers de notre culture, embrasent la salle. En revisitant les plus grands succès de leur répertoire, ils éveillent l’esprit des ancêtres et invitent chaque spectateur à se reconnecter à ses racines. L’interprétation de «Kè m pa sote» transporte le public dans une ferveur collective. Sous les vibrations hypnotiques des tambours, des âmes sensibles entrent en transe. Les solos de guitare percutants de Paul Beaubrun et les chorégraphies envoûtantes des chanteuses amplifient cette connexion profonde. 



Prestation de RAM

Dans un décor légèrement transformé par des parchemins placés sous les micros, RAM prend le relais. La magie opère immédiatement. Les spectateurs, déjà exaltés, réclament leurs morceaux préférés. Et, le groupe leur répond avec une grande générosité musicale. Les méringues «Se pa sa w te di», «Jacomel», et «Defile» résonnent avec puissance, rappelant les célébrations sur le Champs-de-Mars. Enveloppés d’une grande nostalgie, des participants chantent en chœur et défilent dans la salle.


4h38. RAM termine sa prestation, mais ce spectacle baptisé «Ayibobo mascarade» est loin d’être terminé. Kouzen Lakay, un groupe de rara basé à Paris, investit la scène et continue d’animer la foule. En cette nuit d’hommage aux défunts, l’énergie est visible. Dans chaque note et chaque danse, les défunts sont honorés.


Avec leurs 46 et 34 ans de carrière, Boukman Eksperyans et RAM se révèlent comme le bon vin. Ils gagnent en puissance avec le temps. Leur art dépasse le simple divertissement pour devenir un véritable acte de mémoire et de communion spirituelle. Ils convoquent les âmes et nourrit la mémoire collective.


A l’aube, escortés par les invisibles (Sa n pa wè yo) et imprégnés d’une énergie insaisissable, paisiblement, les spectateurs repartent dans le froid. Cette nuit marquera à jamais leurs cœurs. Elle rappelle que tant qu'il y aura des voix et des tambours, la culture haïtienne restera vivante, en tout lieu et en temps.


JC

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