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La situation des enfants en domesticité existe à travers tout le pays.
Malheureusement. Mais il existe des endroits où la situation est encore pire.
Dans la cité de l’Indépendance, le mal est endémique et les jeunes victimes
sont de plus en plus nombreuses.
« Les enfants ne sont pas des chiens, les adultes
ne sont pas des dieux », selon un proverbe haïtien. Pourtant, aux
Gonaïves, de nombreux enfants vivent dans des situations difficiles, à la
limite infrahumaines. La condition de vie de certains s’apparente à de
l’esclavage moderne.
Il est 9 heures du soir. Il fait nuit noire, le klaxon
incessant des motos et voitures perturbe le repos de certains citoyens, et la
lumière de leurs phares aveugle des passants. Une fillette est accroupie à côté
d’une pile d’immondices. L’odeur est irrespirable et vous prends à la gorge. En
ce début de décembre, les nuits sont assez fraîches, la petite frisonne.
Les pieds nus et cheveux en broussailles, elle porte
une robe déchirée et mal raccommodée. Visiblement, elle est sans défense et
profondément désespérée. On sent sa peine rien qu’en regardant son visage. Une
impression de tristesse immense émane de son être. Elle a beaucoup pleuré toute
la journée. C’est une petite « restavèk », comme on
qualifie habituellement, en Haïti, les enfants en domesticité.
« Je suis malheureuse. Ma tante me bat sans
cesse. Je regrette infiniment que mes parents ne soient plus en
vie ! », regrette-t-elle. Elle s’est échappée d’une scène de
punition. Il se fait tard, la rue commence à se vider. Et, la petite fille
commence à s’inquiéter pour sa sécurité. N’ayant nulle part où aller, elle est
obligée de retourner dans son enfer.
Banalisation des enfants
Cette situation a tendance à se généraliser dans la
région. A Gatereau (au nord de la ville des Gonaïves), un mineur habitant sous
le toit de deux jeunes filles a été torturé, pour avoir volé. Elles l’ont passé
à tabac avant de mettre sa main dans un réchaud enflammé. Il se souvient
d’avoir hurlé comme un damné. Mais, personne ne s’est porté à son secours.
Après avoir commis leur forfait, elles ont eu le temps de prendre le maquis.
L’enfant, n’ayant pas d’autre famille, a été placé dans un centre d’accueil. Il
porte dans sa chair les stigmates de cette violence, ses doigts sont déformés
pour toujours.
L’action publique a été mise en mouvement contre ces
deux présumées criminelles, selon l’ancien commissaire du gouvernement près le
tribunal de première instance des Gonaïves, Me Mésac Philogène.
Peu de temps après, dans la même zone, le Parquet des
Gonaïves et la Brigade de Protection des Mineurs (BPM) ont interpellé une
dame prénommée Simonne. Celle-ci a sectionné le doigt d’un mineur de dix ans
qui aurait touché à son bocal de « manba ». Son dossier a été déféré
au tribunal correctionnel. Elle purge, actuellement, sa peine, selon une source
proche de la BPM.
Marie Hélène, une domestique émancipée, se rappelle
encore de ses douleurs. La nuit, elle a encore des cauchemars. Sur son bras
droit, des traces noires lui rappellent une couverture de chaudière.
« Un jour j’avais oublié de surveiller une
chaudière qui bouillait à 100 degrés. Pour cela, la maitresse de la famille où
j’ai été placée, m’a frappé avec la couverture de la chaudière » se
rappelle-t-elle. Ses yeux s’embuent de larmes à l’évocation de ce souvenir
douloureux.
Selon un rapport publié par l’Unicef, avant le séisme
du 12 janvier 2010, environ 300.000 enfants vivent en domesticité en
Haïti. D’autres institutions comme Amnesty international ont fait état de
500.000.
Le directeur régional de l’Institut du Bien-Etre
Social (IBESR), Jean Sinder, a informé qu’aux Gonaïves plus de 50 enfants
travaillent comme domestiques.
Prendre des mesures contraignantes
Des juristes rappellent que les autorités judiciaires
ont à leur disposition des textes de lois les habilitant à contrecarrer les
violences faites aux enfants. Ils citent, en particulier, celle relative aux
châtiments corporels votée en 2001.
« Les États parties prennent toutes les mesures
législatives, administratives, sociales et éducatives appropriées pour protéger
l’enfant contre toute forme de violence, d’atteinte ou de brutalités physiques
ou mentales, d’abandon ou de négligence, de mauvais traitements ou
d’exploitation, y compris la violence sexuelle, pendant qu’il est sous la garde
de ses parents ou de l’un d’eux, de son ou ses représentants légaux ou de toute
autre personne à qui il est confié», stipule la Convention internationale
relative aux Droits de l'Enfant (CIDE) en son article 19. Laquelle convention a
été votée par l’Assemblée Générale des Nations-Unies le 20 Novembre 1989 et
adoptée par l’Etat haïtien en 1994.
Depuis un certain temps, grâce à l’appui de certains
partenaires, la BPM a rouvert le 1-8-8. Numéro d’appel gratuit pour dénoncer
les abus sur mineurs. Que de citoyens gonaïviens ignorent l’existence de cette
ligne téléphonique !
La domesticité ronge la communauté gonaïvienne et
compromet la chance des petits démunis d’avoir accès à une éducation équilibrée
et des privilèges garantis par les lois de la République et les conventions
internationales. Et elle perdure. Est-il juste de s’abstenir sur la
déshumanisation de cette catégorie d’enfants?
Jodherson Cadet
jodhersoncadet@yahoo.fr
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