Intervention du Président de la République au 36e Sommet des Chefs d'Etat et de Gouvernement de la CARICOM
Intervention du
Président de la République, S.E.M. Michel Joseph Martelly au 36e Sommet
des Chefs d’Etat et de Gouvernement de la CARICOM sur la crise migratoire entre
Haïti et la République Dominicaine.
Crédit Photo: Ministère de la Communication |
Mesdames,
Messieurs les Chefs d’Etat et de Gouvernement,
Mesdames,
Messieurs les Ministres,
Monsieur le
Secrétaire Général de la CARICOM,
Mesdames,
Messieurs les Délégués,
Mesdames,
Messieurs,
Je voudrais, tout d’abord, remercier l’Honorable Perry
CHRISTIE, Premier Ministre des Bahamas et Président sortant de la CARICOM pour
l’excellent travail qu’il a effectué au cours de son mandat. J’en profite pour
saluer l’arrivée de l’Honorable Freundel STUART, Premier Ministre de la
Barbade, à la présidence de la Communauté. Sachez, Monsieur le Président, que
je suis à votre disposition.
Qu’il me soit permis de vous dire que ce n’est pas de
gaieté de cœur que je m’adresse à cette assemblée pour parler des relations de
la République d’Haïti avec la République Dominicaine. Aujourd’hui, ces
relations nous interpellent et interpellent les amis de la CARICOM, compte tenu
du sort qui est réservé aux haïtiens vivant en situation irrégulière en
République Dominicaine.
Depuis le mercredi 17 juin 2015, date de l’échéance du
Plan National de Régularisation des Etrangers (PNRE), mettant en application
l’Arrêt 168-13 du Tribunal Constitutionnel dominicain, des milliers d’haïtiens
ont rejoint les postes frontaliers Haïtiano-dominicains. Si certains ont décidé
de retourner volontairement en Haïti, d’autres, plus nombreux que les premiers
ont, en revanche, été arrêtés et conduits manu militari aux frontières.
Les autorités dominicaines préfèrent parler de
rapatriement volontaire assisté, alors qu’il s’agit de déportations souvent
violentes.
La République d’Haïti, dans le cadre de toutes les
rencontres bilatérales sur les questions migratoires, n’a jamais discuté le
droit souverain de la République Dominicaine de légiférer sur sa politique
migratoire nationale et de prendre toutes les dispositions subséquentes
concernant les étrangers, notamment les haïtiens. La position du gouvernement,
conformément au respect des normes de Droit International Public régissant la
matière, est et a toujours été d’accueillir en Haïti toute personne jouissant
de la nationalité haïtienne, mais vivant en situation irrégulière, que ce soit
en République Dominicaine ou dans n’importe quel autre pays.
C’est, respectueuse de ce principe et en harmonie avec
les normes internationales que la partie haïtienne, à toutes les réunions
bilatérales, a invité la partie dominicaine à considérer la nécessité et
l’urgence de négocier un protocole d’Accord sur le processus ou les mécanismes
de rapatriement dans le seul et unique but de respecter les droits des
migrants. Les autorités dominicaines, en utilisant tous les subterfuges
possibles, ont systématiquement refusé de négocier, non seulement ledit
protocole, mais encore tout autre qu’elle pourrait courtoisement présenter. En
conséquence, la partie haïtienne est en droit de considérer que le gouvernement
dominicain veut effectuer les déportations sans tenir compte des droits
élémentaires des migrants haïtiens.
Mesdames,
Messieurs les Chefs d’Etat et de Gouvernement,
Monsieur le
Secrétaire Général de la CARICOM,
Face à cette situation intolérable, la République
d’Haïti lance un vibrant appel aux Etats membres de la CARICOM, de
l’Organisation des Etats Américains et de l’Organisation des Nations Unies afin
de porter les autorités dominicaines à traiter les ressortissants haïtiens avec
dignité en respectant leurs droits conformément à tous les protocoles et toutes
les conventions internationales et régionales existant en matière migratoire.
La communauté internationale ne peut pas se taire quand des familles nucléaires
se divisent arbitrairement et que des enfants sont séparés de leurs parents et
conduits à des postes frontaliers.
La communauté internationale ne peut garder le silence
lorsque des personnes dont la force de travail a été exploitée pendant
plusieurs décennies et qu’un beau jour on leur demande de débarrasser le
plancher sans avoir la possibilité de toucher une pension, voir le droit à
récupérer leur maigre patrimoine. La République d’Haïti demande à la communauté
internationale de soutenir la position du gouvernement dans sa tentative de
souscrire un accord avec la République Dominicaine qui respecte les droits
humains des ressortissants haïtiens.
La République d’Haïti ne dispose pas de Forces armées.
Aussi fait-elle de la diplomatie sa première ligne de défense. Si dans un
premier temps, elle avait privilégié l’approche bilatérale, c’est parce qu’elle
avait cru en la bonne foi des autorités dominicaines à tenir leurs promesses de
ne pas organiser de rapatriement massif encore moins de violer les droits des
migrants haïtiens.
Toutefois, le constat sur le terrain du nombre de
déportés que nos institutions et les agences humanitaires internationales ont
pu accueillir au cours des deux dernières semaines annonce déjà des signes
d’une catastrophe humanitaire pouvant déstabiliser le pays et son économie.
Mesdames,
Messieurs les Chefs d’Etat et de Gouvernement
Monsieur le
Secrétaire Général de la CARICOM,
La République Haïti s’engage dans un processus
électoral devant permettre le renouvellement de son personnel politique. La
gestion de ce processus exige calme, sérénité et clairvoyance. Les déportations
massives et indiscriminées de ressortissants haïtiens sont de nature à
fragiliser le processus et saper la fragilité politique du pays.
Sur le plan économique et social les maigres
ressources dont dispose l’Etat haïtien ne pourront lui permettre de faire face
à ces déportations massives qui risquent de mettre en danger la paix et la
sécurité régionales.
La République d’Haïti renouvelle son engagement à
résoudre ce conflit d’une manière pacifique conformément à l’article 33 de la
Charte de l’ONU. Cependant, elle demeure convaincue que ce drame humanitaire
auquel elle fait face avec dignité ne manquera pas de susciter la solidarité
des peuples frères et des organisations internationales, régionales et
sous-régionales comme cela a toujours été le cas dans le passé.
Je vous remercie.
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