Une vue des maisonnettes construites anarchiquement au Morne Biennac |
La ville des Gonaïves a connu en 2004 et en 2008, les pires inondations de son histoire. Des milliers de personnes ont été tuées, blessées ou portées disparues. Huit ans après, les survivants vivent toujours avec les séquelles des deux tragédies. Ils vivent aussi avec la peur de revivre le même scénario dans une ville des Gonaïves vulnérable.
Amiel Aimable, un enseignant, vit avec les séquelles du sinistre de 2004.
Toute sa famille a été emportée par les eaux. Il ne s’en est pas totalement
remis de cette tragédie qui lui a ôté ce qu’il avait de plus cher. Dans ses
témoignages, l’émoi, l’amertume et l’affliction sont toujours présents. «Ce
désastre m’a anéanti. C’est mon pire souvenir», a-t-il raconté.
JC
En 2008, Mme Cristella a perdu son mari, son seul appui.
Au fond de cette mère au visage crispé, cette perte a créé un grand vide. Le
soir du cyclone, Cristella a vu des cadavres frappés contre les murs de son
abri. Elle a entendu des cris de désespoir. «Les pieds dans l’eau, sur le toit
d’une maison, on n’a qu’à attendre sa mort», a expliqué Critstella.
Selon les chiffres officiels, en septembre 2004, la
tempête tropicale Jeanne a tué plus de 3 000 personnes. C’était une première
dans l’histoire de la ville. Quatre ans plus tard, les cyclones Gustave, Hannah
et Ike ont fait 793 morts, 548 blessés et 310 disparus.
La quinte, une
source d’angoisses
Dans les deux cas, l’inondation des Gonaïves résulte
du débordement de la rivière Quinte qui draine les eaux provenant du bassin
versant Ennery-Quinte. La dernière scène remonte à septembre 2008, lors des
cyclones Hannah et Ike. Elle avait quitté son lit et avait ravagé la commune.
Depuis les deux dernières inondations, la Quinte est
un porte-malheur. Elle se trouve actuellement dans un état déplorable. En
raison de ses différentes brèches, elle est endommagée. En période pluvieuse,
ce cours d’eau tourmente tous les citoyens. «Cette rivière nous hante. Elle a
causé trop de dégâts dans les communautés», s’est inquiétée Edith, une
survivante.
Quelle leçon
tirée ?
Selon des techniciens, la ville des Gonaïves est plus
que jamais exposée aux inondations. En dépit des alertes, aucune décision
concrète n’est prise pour protéger la vie et les biens des citoyens. Le laxisme
des autorités ne fait que favoriser les actions néfastes de la population sur
l’environnement qui se fragilise de plus en plus.
Le coordonnateur technique de la protection civile
dans le haut Artibonite, M. Faustin Joseph, dit croire que toutes les
conditions sont réunies pour que Gonaïves reçoive la même quantité d’eau
d’autrefois. Une remarque qui donne froid dans le dos. Lors des cyclones Hannah
et Ike, les eaux ont monté jusqu’à six mètres de haut dans certaines zones,
a-t-il rappelé.
Du point de vue cartographique, la ville des Gonaïves
est un exutoire. Elle est située en amont du bassin versant Ennery-Quinte. A cause
de leur végétation clairsemée, ces pentes de 70 000 hectares ne sont plus
protégées.
Le morne Biennac, un sous-bassin versant important,
commence à être transformé en bidonville. En septembre 2011, une roche s’est
détachée et a endommagé plusieurs maisons dans la périphérie. D’un jour à
l’autre, d’autres pourraient déplacer. «Morne Biennac est un fléau à combattre»,
a tranché M. Bentley Douceur, directeur régional de l’environnement.
Des autorités
impuissantes
À l’unanimité, les autorités reconnaissent qu’il n’y a
aucune possibilité de contrecarrer la dégradation environnementale à court
terme. Elles ont fait savoir que cela exigera de grands investissements.
Toutefois, ces acteurs proposent des actions susceptibles de limiter les
dégâts.
Le directeur agricole départemental, M. Renaud Géné,
croit qu’il est nécessaire de construire des infrastructures pouvant retenir
les eaux de ruissellement. L’aménagement des bassins-versants et la correction
des ravines sont également indispensables, a-t-il expliqué.
Pour sa part, le directeur environnemental souhaite le
renforcement de l’éducation relative à l’environnement. «Il faut la maîtrise des
eaux pour réduire les risques», a-t-il déclaré. De concert avec la mairie, le
technicien espère lutter contre la coupe abusive des arbres et la mauvaise
gestion des déchets.
Le protecteur civil de la région, Faustin Joseph, a
plaidé en faveur de l’élaboration d’un plan d’aménagement territorial pour limiter
le développement anarchique de la ville. Il souhaite également qu’une culture
de protection civile soit développée dans les communautés.
N.B: Cette version a été revue et adaptée au format Multimédia. La première est ICI !
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