La prison civile des Gonaïves, un enfer pour les détenus


Photo: Frantz R. Lebrun
Des prisonniers rencontrés à la garde à vue du tribunal civil des Gonaïves lors des assises criminelles ont dénoncé énergiquement les conditions inhumaines dans lesquelles ils sont détenus. Dans des cellules peu aérées, ils disent être entassés comme des animaux. Ils ne peuvent pas bouger normalement voire s’allonger pour dormir.

Les détenus de la cellule « Bagdad », avec amertume, ont décrit leur quotidien. L'espace est congestionné. La chaleur est insupportable. L’odeur de leur cellule leur sert de parfum. Ces prisonniers déclarent rester debout presque toute la journée. Plusieurs d’entre eux ont les pieds enflés. « Nous sommes 117 à la cellule. Impossible de bouger », se sont-ils indignés. Par relève, pour dormir, certains auraient utilisé le sceau qui sert de latrine.

Les conditions sanitaires, à la prison, ne cessent de se détériorer. Les infections cutanées, notamment la grattelles, sont très courantes. On a même vu un détenu avec un abcès sous le bras droit. Les malades expliquent ne pas être assistés à temps. Les responsables, se sont-ils désolés, attendent toujours la complication des cas pour agir. Le mois écoulé, un prisonnier a rendu l’âme. Selon le chef du parquet près le tribunal civil des Gonaïves, Me Marie-Paule Clerjuste, la victime se serait suicidée.

Le coordonnateur de l’organisation Medha-Droits humains, Me Michelet Dorgilles, a qualifié de « crime organisé » la détention des prisonniers aux Gonaïves. Les cellules sont de véritables cachots, a regretté l’avocat. Il s’est élevé contre l’«insensibilité» des autorités compétentes. Le défenseur des droits humains a déploré que les prévenus et les condamnés soient placés au même endroit. Sans aucune considération. « Nous sommes en train de travailler avec des détenus et des anciens prisonniers pour porter plainte contre l’État haïtien », a expliqué l’avocat.

Les registres du parquet confirment que 312 personnes dont 14 femmes et 17 mineurs sont actuellement incarcérées à la prison civile. « Autant que possible, à chaque fois que le besoin se fait sentir, le nécessaire est toujours fait », a confié Me Clerjuste.

À l’ancienne base de la Minustah, un dépôt devant accueillir provisoirement la prison civile est en cours d’aménagement. Aucune date n’est encore retenue pour le transfert des prisonniers. Autant les détenus sont en difficulté, autant les autorités s’en plaignent. « Nous aussi, soupirons après un espace plus grand et plus aéré pour héberger la prison », a lâché Me Clerjuste.


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